La pandémie du coronavirus a bouleversé l’année pour les gens de Wuhan à Milan. New York à elle seule a maintenant près de 100,000 cas confirmés et toutes les entreprises non essentielles, y compris un grand nombre dans le secteur de la mode, ont fermé leurs portes depuis le 22 Mars en réponse aux ordres du gouverneur de l’État et dans un effort collectif pour “aplatir la courbe” des infections du coronavirus.
Les conséquences dans le milieu du travail ont été dramatiques. La semaine dernière, le département fédéral du Travail a signalé qu’un record de 6.6 millions d’Américains se sont inscrits à l’assurance chômage, ce qui porte le nombre total de personnes inscrites à près de 17 millions seulement au cours des trois dernières semaines. Des rapports d’employeurs ne respectant pas les droits basiques des infirmières et des travailleurs du commerce de détail ont fait surface sur les réseaux sociaux, et les lois fédérales nouvellement promulguées offrent diverses formes de secours d’urgence.
James Brudney, professeur à Fordham University School of Law, qui a une vaste expérience dans le droit d’emploi et du travail international, a souligné l’importance pour les employeurs, en particulier les grandes marques, de « traiter leurs employés conformément à leur réputation, et pas seulement en faisait ce qui est à peine légal. »
Se référant aux récents débrayages des travailleurs de l’entrepôt Amazon protestant les conditions d’exposition dangereuse au virus, il a déclaré que les procès basés sur la maladie et la mort liées au travail sont probables, tout comme ils étaient communs après le 11 septembre. Une poursuite en justice a deja été entamée par les survivants d’un employé Walmart, qui affirment qu’il est décédé après avoir attrapé le virus sur son lieu de travail.
« On pourrait espérer que, dans ces circonstances, les employeurs, qui souffrent aussi manifestement, auront assez de compassion et de justice pour ne pas prendre de mesures de représailles contre les travailleurs qui tentent de protéger leur sécurité et leur santé fondamentales dans des conditions difficiles », a déclaré M. Brudney, ajoutant que l’exposition au coronavirus au travail pourrait conduire à de nombreuses demandes étatiques de compensation des travailleurs. Il a recommandé plus généralement que les employeurs consultent les recommandations de l’Organisation Internationale du Travail sur COVID-19, ainsi que la Convention 177 sur la protection des travailleurs à domicile, affirmant qu’elles constituent une référence utile en matière de crise pour l’industrie de la mode.
Dans ce contexte difficile, quoi d’autre doivent savoir les employeurs ? L’interaction entre les lois fédérales et étatiques, et entre le président et les gouverneurs d’État, est source de confusion pour de nombreux employeurs américains, et encore plus pour les entreprises étrangères faisant des affaires aux États-Unis. Voici quelques questions importantes à mettre au point dès le départ :
Mes employés sont-ils embauchés de gré à gré (« at will » – un concept américain n’ayant pas d’équivalent exact en France/au Canada) ? Sont-ils exemptés ou non exemptés ?
La plupart des États considèrent que l’emploi est « at will » par défaut, ce qui signifie que l’employeur ou l’employé peut mettre fin au contrat de travail à tout moment, avec ou sans motif ou avis. Avant de licencier quelqu’un ou de modifier les conditions d’emploi, les employeurs doivent cependant vérifier s’ils sont liés par un contrat avec leurs employés, et s’assurer si leurs employés sont exemptés ou non exemptés en vertu de la loi fédérale sur les normes du travail équitables (« Fair Labor Standards Act » ou FLSA). Les employés dont les emplois ne répondent pas à la définition de la FLSA ou qui gagnent moins de 674 $ par semaine ne sont pas exemptés en vertu de la loi fédérale et doivent doivent être payés pour toute heure de travail supplémentaire. Les États et les villes peuvent augmenter le montant minimum, de sorte que, par exemple, un employé doit gagner au moins 1 125 $ par semaine à New York pour être exempté.
Puis-je réduire les heures de travail de mes employés ?
Les employeurs sont autorisés à réduire le nombre d’heures que leurs employés non exemptés doivent travailler. Donner un préavis raisonnable est considéré comme une bonne pratique, bien qu’il n’y ait aucune obligation fédérale de le faire et les lois des États varient. En Californie, par exemple, l’avis est important pour éviter les obligations de « reporting time pay », que les employeurs déclenchent lorsqu’ils mettent leurs employés au travail sans avoir assez de travail pour eux en raison d’une planification inadéquate ou d’un manque de préavis approprié.
Puis-je réduire la rémunération de mes employés ?
Les employeurs ne peuvent jamais réduire les taux de rémunération pour les heures déjà travaillées ; tout changement doit être prospectif. Cela dit, en l’absence d’un contrat, les employeurs sont libres de réduire la rémunération des employés pour les heures futures travaillées, tant qu’ils paient au moins le salaire minimum, qui varie selon l’État et parfois par ville. Par exemple, la loi fédérale fixe le plancher à 7,25 $, alors que le salaire minimum de la Californie est de 12 $ l’heure, et celle de San Francisco est de 15 $ l’heure. En outre, certains États imposent des exigences en matière d’avis. L’État de New York exige des employeurs qu’ils informent les employés au moins sept jours civils avant de modifier leur taux de rémunération, à moins que les nouveaux taux n’apparaissent explicitement sur les fiches de paie. La réduction de la rémunération d’un employé peut modifier le statut de l’employé d’exempté à non d’exempté.
Puis-je traiter mes employés différemment ?
La réduction de certains salaires pendant une période de difficultés financières est légale tant que les employeurs ne font pas de discrimination à l’égard d’une classe protégée en vertu de la loi fédérale ou étatique. La loi fédérale interdit la discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine nationale et l’âge, mais certains États ou municipalités vont plus loin. La ville de New York, par exemple, interdit de traiter les employés différemment en fonction de leur « âge, race, croyance, couleur, origine nationale, orientation sexuelle, identité ou expression de genre, statut militaire, sexe, handicap, prédisposition des caractéristiques génétiques, état familial, état matrimonial, statut de victime de violence familiale, ou toute autre caractéristique protégée en vertu de la loi sur les droits de l’homme de l’État de New York ».
« Si vos heures de travail réduites ou vos congés affectent de façon disproportionnée les femmes, les minorités raciales ou les travailleurs plus âgés, vous courez le risque que ces travailleurs s’organisent pour entamer un litige », a déclaré M. Brudney. « Vous devez être sûr d’avoir un système d’évaluation qui peut justifier ce que vous faites afin qu’il ne semble pas discriminatoire ou arbitraire. » Un tel système pourrait inclure des enregistrements d’évaluations ou de primes de rendement antérieures, par exemple.
Qu’est-ce qu’un chômage partiel (« furlough ») ?
Le chômage partiel d’un employé se produit lorsqu’un employeur suspend sa main-d’œuvre sans la payer. Attention : Si les employés exemptés exécutent un travail pendant qu’ils sont en congé, l’employeur doit leur verser l’équivalent d’une journée de salaire, et si les employés horaires travaillent pendant le congé, l’employeur doit les payer pour le temps travaillé. Les employés congédiés conservent habituellement leurs prestations de santé et retournent au travail à une date précise ou lorsqu’une condition spécifique est remplie. Les employeurs doivent toutefois noter que ce congé permet aux meilleurs talents de chercher un emploi ailleurs. Un employé congédié peut être éligible pour des prestations de chômage, selon les règles étatiques.
Quelles sont les prestations de chômage offertes aux travailleurs licenciés ?
Les États individuels gèrent normalement les prestations d’assurance-chômage et déterminent les critères d’admissibilité et les exclusions. Toutefois, la Loi fédérale CARES de deux trillions de dollars, adoptée le 27 mars, crée deux grandes catégories d’avantages sociaux. Premièrement, il y a l’aide au chômage pandémique, qui couvre les personnes — y compris les pigistes et les personnes qui sont malades ou qui s’occupent d’un membre de famille malade — qui sont incapables de travailler en raison de l’éclosion du coronavirus. Deuxièmement, les chômeurs qui reçoivent déjà des prestations de l’État sont éligibles pour une aide fédérale supplémentaire de 600 $ par semaine au cours des quatre prochains mois, jusqu’au 31 juillet.
Qu’est-ce qu’un programme de travail partagé ?
Les programmes de travail étatiques permettent aux employeurs participants de conserver plus facilement du personnel qualifié pendant un ralentissement économique en permettant aux employés de recevoir des prestations partielles d’assurance-chômage tout en travaillant des heures réduites. Pour participer à un programme de travail partagé, les employeurs doivent satisfaire les exigences de l’État — généralement, un nombre minimum d’employés travaillant dans l’État et un certain montant de cotisations au chômage au cours de l’année précédente — et soumettre un plan de travail partagé pour l’approbation de l’État. Les employeurs participants ne peuvent pas embaucher de nouveaux employés pour effectuer un travail couvert dans le programme et doivent demander l’approbation du programme auprès d’un représentant en charge de la négociation collective.
Auquel type de congé payé mes employés ont-ils droit pendant la crise sanitaire COVID-19 ?
« The Families First Coronavirus Response Act » (FFCRA – une loi mise en place face au coronavirus pour répondre au besoin des familles garantit des congés payés protégés par l’emploi aux travailleurs qui ne peuvent pas travailler de leur domicile et qui sont assujettis à une ordonnance fédérale, étatique ou municipale de quarantaine ou d’isolement pour le COVID-19, ou qui s’occupent d’enfants mineurs qui font l’objet d’une telle ordonnance. Le montant des congés payés offerts aux employés dépend de la taille de l’entreprise à compter du 1er janvier, avec des règles différentes pour les petites, moyennes et grandes entreprises. Tous doivent fournir à leurs employés une protection de l’emploi pendant la durée de l’ordonnance de quarantaine ou d’isolement, mais les grandes entreprises doivent accorder plus de jours payés de congé maladie. Lorsque les employés reviennent de leur congé lié au COVID-19, les employeurs doivent les réintégrer à un poste identique ou comparable et continuer à fournir une assurance maladie aux mêmes conditions que si l’employé n’avait pas pris de congé.
Quel genre de congé maladie payé ai-je à offrir ?
Jusqu’au moment où la FFCRA a été adoptée, il n’existait aucun congé maladie payé sous mandat fédéral, bien que certains États l’exigent. La loi fédérale permet maintenant à un employé éligible de prendre un congé maladie payé parce que l’employé est en quarantaine lié au COVID-19, ou s’occupe d’une personne qui l’est, ou est incapable de travailler à distance parce qu’il ou elle s’occupe d’un enfant dont le fournisseur de services de garde est fermé en raison de COVID-19. Les employeurs de moins de 500 employés doivent offrir aux employés à temps plein 80 heures de congés maladie, payés au taux régulier des employés (ou les deux tiers du taux régulier des employés pour les employés qui prodiguent des soins). Les salaires payés en congé maladie sont plafonnés à 511 $ par jour, soit 5 110 $ au total, par employé pour un usage personnel, et 200 $ par jour, ou 2 000 $ au total, par employé qui s’occupe d’un autre. Les taux de rémunération des congés maladie pour les employés qui travaillent à temps partiel ou irréguliers sont basés sur le nombre d’heures moyen que l’employé a travaillé pendant les six mois précédant le congé. Si les employés ont travaillé moins de six mois avant de prendre un congé, le taux est calculé en fonction du nombre d’heures moyennes prévues sur une période de deux semaines.
Actuellement collaboratrice au Nilson Law Group, PLLC à New York, Cynthia Martens est une ancienne correspondante de WWD à Milan. Cet article est fourni uniquement à titre d’information et ne constitue pas un avis juridique.
initialement publié dans Women’s Wear Daily